L’art est formes et aspirations

Notre langue évolue au fil du temps : il n’est que de lire les textes anciens pour s’en persuader. Mais quand il ne s'agit que de simplifier, le risque est d'aboutir à l'effet inverse. Le bon sens demande de tourner sept fois sa langue dans sa bouche plutôt qu’en tirer quelque règle malheureuse.

Ainsi, l’écrit peut-il faire venir les cris, passant à l’oral. Des sonorités, il peut en naître des si belles, pourtant... autant que de dissonantes et trébuchantes. L’on démontrera ici qu’il est aisé, en ôtant comme en notant les nuances, d’arriver au non- sens. Voici un catalogue non exhaustif des liaisons dangereuses d’une certaine faune étique.

Les médias montrent l’exemple, pris fréquemment au piège d’un nord-jeu tandis qu’un “nord-sujet” s’égare en nos Landes plutôt qu’aux Pays-Bas. Manifestement il y aurait de quoi censurer, mais s’il est bâillonné on voit l’écrit étouffer ! Quoi qu’il en soit, les seuls Hollandais montés sur les châsses sont des diamants, les hauts Landais traditionnels se contentant d'échasses. De la même veine sont les zoos landais et leurs compagnes, les eaux landaises. Lors de cette promenade côtière un Havrais désappointé sera pris pour un navré !

Nous n’insisterons pas sur la prononciation indigeste du haricot (un mot souvent mangé, s’il n’est, à la diable, tiré par la queue) ni celle, pénalisante, du handicap. Des ossements ne peuvent se confondre avec des haussements, bien que les épaules soient constituées d’os. De même, un auteur peut ressembler à un “noteur”, mais si des auteurs peuvent atteindre des hauteurs, ils n’ont a priori rien à voir avec le saut. En l’occurrence, ce sont les barrières du langage qui sont allègrement franchies.

C’est la même liberté des locutions qui transformerait ce paisible échassier qu’est le héron en Néron incendiaire. Dans les Landes, encore, où on les chasse en les prenant de haut, les feux voient le pin griller, et les haies lésées. C’est haut — un mot à chahuter, si on l’épelle bien — jamais trop tôt ! que le ciel se change alors en eau, mais en aucun cas en vain.

Ô bois ! C’est ce que n’ont pas encore des jeunes hères (mais petit appétit...) êtres que peut-être un hêtre a vu naître. Que feraient donc des hères en ce pays, désert sans volatile par la faute d’un héron pyromane ? “Nous errons”, auraient-ils l’air de dire, vou(l)ant la peau de l’oiseau de malheur que ce cas narre. Par l’appeau il est hélé, aussi sûr qu’il soit ailé. Et dans ce bois plein de houx... hou ! hou ! loup y es-tu ? Sans doute le hibou sait où, sait tout. C’est tout ? Non, le croiriez- vous ? En voici encore un florilège.

L'incroyant est athée, alors que l'hésitant se tâte : croit-il aux mauvais esprits qui, accrocheurs, aiment hanter, aiment tenter les plus faibles ? Un homme des temps d'art, mûr, portant un heaume, par un château hanté le serait aussi, tant et si bien. Si dans les murs des coups sont tapés, des murmures en seront happés. Oui il se fait art : ces heurts et malheurs égrènent les heures !

Pour confondre un halètement avec un allaitement, il ne faut pas manquer d’air... ni de lait. Pour haler, comme pour aller, il faut parfois faire un effort, tandis que pour râler, il suffit d’un souffle : le dernier ; pour brunir, se laisser hâler au soleil ou à l’air. Quant à la Lune, c'est halo ? non, c'est à l'eau qu'elle offre ses reflets nocturnes. Clair–obscur ? Pour mieux éclairer notre lanterne, il n’est meilleur exemple que la hampe qui, magique, peut se transformer en lampe pour peu que l’on place une torche au lieu de l’ori... flamme !

Qui n’a eu vent de ces japonais aux abois, qui, descendus de leurs zéros pointés, préféraient la mort des héros en se faisant hara-kiri ? Dirait-on qu’en ces zones héros gênent ? Vraiment,

il faut prudence garder avant d’affirmer qu’une femme au foyer, abandonnée par son époux, aime encore son home... on pourrait comme ces nippons se faire des cendres en flammes.

Mais le sujet devient débridé et le h en surdose. Ah ! À cet h qui nous fend l’âme, cette cacophonie est dédiée. Si les h font tache, et puisqu’il fut question de dépoussiérer l’ortho- graphe, qu’ils soient tous aspirés !

♔♣︎ 1991+

Érato
les Jeux de Mots
dits Vaguants
de Roi de Trèfle

Verbicruciste à "seize heures",
poète à toute heure !